La cacherouth

Un dossier préparé par K. Acher
Pour une lecture plein écran, ouvrez http://www.kacher.fr dans votre navigateur.
Mise à jour le


Lait chamour, quelques définitions

Nous allons vous servir une fois de plus une tasse de lait.
Chamour, bien sûr, et veillez à ne pas vous y noyer.

L'usage du lait chamour, "surveillé", "vu par un juif" est mentionné par une Michnah.
Michnah Avoda Zara, 2, 6:  "Voici les choses des non juifs interdites à la consommation (…) le lait trait par un non juif alors qu'il n'est pas vu par un juif …"
Michnah Avoda Zara, 2, 7:  "Voici les choses permises à la consommation: le lait trait par un non juif alors qu'il est vu par un juif … "
Ces restrictions sont détaillées par le Talmud Avoda Zara 39b, et le Choul'han Aroukh Yoré Déa par.115.
Il est une longue discussion, jusqu'à nos jours, dans laquelle nous ne rentrerons pas, pour savoir s'il s'agit d'un décret de nos Sages lié à la seule crainte qu'il puisse y être ajouté du lait d'un animal impur, ou si ce décret a une valeur intemporelle et s'impose même lorsqu'il y a certitude que du lait d'un animal impur ne peut être rajouté. (Une longue discussion sur le sujet éclairera votre curiosité sur le site http://miseentrentaine.wordpress.com/2011/03/08/%E2%99%A5%E2%99%A5%E2%99%A5-ah-chamour-toujours-%E2%99%A5%E2%99%A5%E2%99%A5/, dont nous partageons pas tous les avis mais fait un point honnête sur la question).

Nous avons choisi de nous attarder sur ce qu'il convient d'appeler du lait surveillé (Halav Israël, Halav Chamour).
Les commentateurs insistent sur le fait qu'un juif doit voir la traite, pour s'assurer que l'on trait un animal pur, vache, chèvre ou brebis, et qu'il n'y est pas mélangé de lait d'animal impur.

Le "surveillant" doit il assister à la totalité de la traite?
Dans l'idéal, oui.
Présent autrefois avant même le début de la traite pour s'assurer que le seau est vide, il doit aujourd'hui s'assurer que les tuyaux et citernes de collecte sont vides. Et ceci même si les règles de bonne pratique exigent aujourd'hui que les installations aient été nettoyées après la traite précédente. Le lait est alors qualifié de surveillé "depuis le début de la traite".
Dans certains cas, (et notamment si le lait est appelé à séjourner plus de 24 heures dans la citerne), il devra cachériser la cuve: nettoyage au karcher d'eau très chaude.
Cependant, les décisionnaires prévoient que le surveillant puisse "sortir et revenir", c'est à dire s'absenter un peu. Cette règle est souvent étendue aux situations de "rentrer et repartir", qui donne le temps de constater qu'il n'y a que des animaux purs et assister à une partie (début?) de la traite. Le lait est qualifié de surveillé "depuis la traite"
Dans une grande ferme de quelques centaines de tête de bétail, ceci est aisé. Lorsqu'il n'y a que quelques dizaines de vaches, et que surveillant doit courir d'une ferme à l'autre pour assurer ses quota laitiers, ceci est bien plus malaisé. Une équipe de surveillants aura ici une efficacité incomparable à celle d'un one man show.
Un degré en dessous, le surveillant fait une apparition en cours de traite, puis quitte. Là encore, le lait est qualifié de surveillé "depuis la traite".
Encore plus "light", le "surveillant" (les guillemets commencent à être justifiés…) est présent dans le camion de la collecte, qui fait la virée de fermes dont on s'est assuré un jour qu'il n'y a que des animaux purs. Difficile de parler de lait surveillé, mais la pratique est courante.
Enfin, d'autres auraient un regard (ou un droit de regard?) sur la traite par télésurveillance.
Enfin certains rabbinats ont un "contrat" avec des fermiers les autorisant à venir quand ils veulent pour s'assurer qu'il n'y a que des animaux purs. Dès lors, le surveillant n'a plus besoin de se déplacer, sauf lorsqu'il veut venir s'assurer etc…Très difficile de parler de lait surveillé, mais la pratique est courante.
Certains prétenent se rendre quitte de l'obligation de surveiller le lait en "consultant" (sic) les relevés d'analyse qualitative des laits collectés.
D'autres enfin se contentent d'envoyer les estampilles "surveillé depuis la traite" par colis, ou mieux laissent à l'industriel le soin d'imprimer un logo adressé par voie électronique, reproductible à merci. Ce qui ne les empêche pas d'écrire froidement que le lait est surveillé "depuis la traite", parfois même ils écrivent "depuis le début de la traite".
Il est clair que le consommateur soucieux de consommer du lait surveillé a besoin de savoir quel type de surveillance il paye au prix fort.

Le Rav Moshe Yehouda Leib Landau de Bnéi Brak (http://www.jerusalemkoshernews.com/2010/02/hagaon-harav-landau-shlita-speaks-out-on-kashrus-strauss/) a déclaré s'en tenir aux mots de la Michnah: " le lait trait par un non juif et vu par un juif", ce qui signifie la présence d'un surveillant depuis le début de la traite et jusqu'à la fin, avec l'exception de "sortir et revenir".

Une ferme qui serait propriété d'un juif a-t-elle besoin d'un surveillant?
C'est une situation qui auarit existé en un seul exemplaire en France, et nous ne savons pas quelle réponse a été apportée par le Rabbin responsable de la production, qui a de toute façon cessé abruptement.
Il semble que certains professionnels du cacher aient recours à un "truc" de plus, consistant à être déclaré comme "actionnaire" d'une coopérative laitière, ce qui confèrerait au lait de cette ferme le statut d'une ferme "appartenant" à un juif en association, avec un certain nombre d'allègements dans les conditions de surveillance qui iraient avec.
En Israël où cette situation est courante, le Rav Landau a adopté la ligne dure, qui est d'exiger que les ouvriers juifs doivent participer à la traite avec les travailleurs immigrés nombreux dans le secteur agricole, et il envoie un surveillant qui vient s'assurer que cette règle est respectée.

Un autre aspect de la surveillance du lait: dans certaines conditions d'élevage et d'alimentation, les vaches peuvent développer un gonflement gazeux d'une des poches de digestion, (le rumen? … l'abomasum ou caillette?), pouvant nécessiter jusqu'à la ponction de cette poche gastrique. Dès lors, la bête devient tréfa. Parfois, le vétérinaire peut se contenter de "coudre" cette poche, sans la pénétrer, dans une position où elle ne met plus en danger la vie de l'animal. Même dans ce cas, le risque de perforer la paroi digestive en la suturant n'est pas nul.
Ce genre d'intervention chirurgicale est mentionné dans la fiche d'identité de la bête, cette plaquette plastique clippée sur une oreille.
Un tel animal ne doit pas être abattu par un cho'het si on a accès à ces renseignements, est déclaré taref si l'on se rend compte de la lésion intestinale.
Mais, de son vivant cet animal présente un bug: son lait est interdit.
Il est vrai qu'un animal pris dans son troupeau bénéficie d'une présomption de cacherouth, et que son lait dans une installation agricole de quelques dizaines à quelques centaines de tête est largement insignifiant (batel berov), d'autant que la prévalence de cette maladie est estimée aux alentours de 5% dans les troupeaux américains.
Il semble qu'elle soit beaucoup plus faible dans nos troupeaux hexagonaux
Selon le Rav Landau, le rôle du surveillant peut aussi être de s'enquérir de telles particularités, et il estime que le vétérinaire n'est pas crédible lorsqu'il assure qu'il n'a pas lésé la paroi digestive.
Il semble que les grandes agences de cacherouth américaines aient la même politique en matière de chirurgie des bêtes.

Lorsque nous disons "Il est clair que le consommateur soucieux de consommer du lait surveillé a besoin de savoir quel type de surveillance il paye au prix fort", nous sommes conscients de l'opacité des pratiques actuelles de nos distributeurs hexagonaux et des Rabbins les chapeautant.
Inquiétant pour le fidèle attaché à l'importance spirituelle du lait chamour.

Comment terminer sans un bon fromage?
Il est exact que l'on peut fabriquer du fromage cacher avec du lait non surveillé Chamour michaat haasyiah), et il vaut mieux afficher "fromage cacher avec du lait non surveillé" que tromper le consommateur, et parfois le Rabbin certifiant, en déclarant "lait surveillé".
Mais les plus rigoureux demanderont du fromage élaboré avec un lait surveillé depuis la traite.
On doit s'assurer de la nature de la présure: animale, elle provient de la caillette de veau (estomac de veau). Il faudra rechercher une présure animale cachère, cela existe. Ou recourir à des produits de type coagulant fongique, ou chimique.
De même les ferments lactiques doivent être examinés et certifiés cachers.
Certains rabbins autorisent pour les yaourts l'ensemencement avec des ferments lactiques issus de repiquages successifs d'un ferment non "élevé" dans du lait surveillé et repiqué sur un substrat de lait surveillé.
Il faudra parfois cachériser les cuves et instruments, selon les besoins locaux.
Le rôle du surveillant est de vérifier tout ça, mettre la présure, vérifier l'absence de mélange entre les chaînes de fromage cacher et les chaînes non cacher.
Si le fromage doit séjourner dans un bain de saumure, on veillera à utiliser une cuve séparée, ou un bain neuf.
La surveillance s'exerce ensuite jusqu'à la fin de la maturation, l'emballage, l'étiquettage des produits avec des étiquettes apportées par le délégué rabinique, et qu'il remporte en fin de travail pour éviter toute mauvaise utilisation.
Or, des histoires de fromage pseudo cacher, nous en avons plein les poches.
A commencer par l'absence de surveillance de la traite, l'absence de surveillance en cours de fabrication, l'absence d'utilisation de présure cachère. Certains fromages sont fabriqués sur simple appel téléphonique, impression des étiquettes en usine, qui seront apposées en dehors de toute surveillance.
Un Rabbin qui visite les installations d'un autre Rabbin préférera se taire, au meilleur des cas appeler son homologue au risque de se faire remonter les bretelles, dans le genre "est ce que je vais voir comment toi tu fabriques?" [Authentique]
Certain Rabbin français a été prévenu (à plusieurs reprises par plusieurs sources et plusieurs canaux) sans s'émouvoir que son lait n'avait aucune surveillance ni en traite, ni à l'embouteillage, et que ses fromages ne voyaient pas de Rabbin avant d'atterrir en magasin..
Tel autre, contacté par plusieurs sources différentes, se contente de dire qu'il ne fait que présider une association, et ne se mêle pas de l'application de l'éthique.

Cela bouge parfois, avec un importateur israélien prié par le Grand Rabbinat de changer de rabbin surveillant.
Ou certains fabricants qui se rendent compte que les "délégués rabbiniques" auxquels ils ont affaire sont des bidouilleurs.
Ou certains délégués rabbiniques qui se rendent compte que les "rabbins" pour lesquels ils travaillent sont des bidouilleurs.

Une appréciation sommaire du sérieux d'une surveillance fromagère peut être abordée avec quelques chiffres: Appréciation du volume de la collecte: nombre de fermes, nombre de surveillants. Appréciation des quantités commercialisées: volume de lait vendu au litre, volume nécessaire à la quantité de fromage vendue, capacité à produire des sous produits cacher dérivés du lait (lactosérum, protéines de lait), vérification de la compatibilité entre ces données et la comptabilité de l'entreprise. Il est évident qu'un société qui emploie une ou deux personnes selon les données fournies par des sites spécialisés, et qui commercialise des volumes importants demande un examen attentif. Une telle vérification ne peut être faite qu'avec la full coopération de l'examiné, et par un professionnel à même de connaître les arnaques du métier. Ainsi travaillait Rav Hillel Pewzner.
Le rôle des appels de consommateurs aux services client n'est pas négligeable dans de tels cas, dans la mesure où il permet aux industriels de mesurer le piège dans lequel ils sont tombés avec leurs "rabbins maison". …
Continuez!!
Nous invitons le public soucieux de la qualité de la surveillance du lait d'interroger les Rabbins et professionnels concernés. Nous publierons toute réponse écrite d'un Rabbin ou d'un producteur qui nous sera transmise.

Histoires de chasse.
Une entreprise X, qui commercialise un produit le fait fabriquer par Mr Y qui surveille pour le compte du Rabbin Z.
Le Rabbin Z devrait visiter l'usine, élaborer un cahier des charges, puis pourrait s'assurer qui et quand en demandant à Y des compte rendus précis, des plannings prévisionnels. Il saurait qui a surveillé quoi, quel jour, en quelles quantités, connaître les numéros de lot et les dates de péremption. De cette façon, il répondra à tout consommateur ou collègue qui le questionne avec précision, au lieu de balbutier des approximations ou des contre vérités.
Mr X, à qui on présente des factures pour frais de surveillance pour tant et tant de surveillants pendant tant de jours, des frais de transport pour tant et tant de personnes, une attestation de cacherouth émanant du Rabbin et la note de frais du Rabbin va-t-il s'enquérir de la réalité de cette surveillance? Nous avons rencontré un professionnel qui téléphonait à l'usine pour se faire confirmer la prestation du rabbin ou de son surveillant, tout comme nous avons rencontré un Rabbin qui téléphonait à un garçon de ferme pour vérifier la présence du surveillant. Il avait un jour demandé à son surveillant de lui dessiner un plan de la ferme. Une autre fois au garçon de ferme pour savoir commment le surveillant était habillé ...
Demande-t-il à l'usine le compte rendu de fabrication?
Laissera-t-il des "surveillants" coller eux même des étiquettes de cacherouth dans son entrepôt "parce qu'ils n'ont pas eu le temps de le coller à l'usine"??
Un professionnel nous a raconté que des fromages avaient été livrés sans mention de cacherouth. Peu importe, un coup de fil plus tard, on lui livrait les étiquettes à apposer lui-même.
Sans parler de cette aventure de Pessa'h 2010 où apparait sur le marché cacher un fromage de portions et tranches (périmé d'ailleurs!) fait en Pologne avec du lait non surveillé et non cacher pour Pessa'h, portant les mentions "lait surveillé et cacher pour Pessa'h".

Quelques références sur le lait surveillé, à l'intention des consommateurs, pas des érudits:
Rav Moché Feinstein et le lait surveillé
Un lait trait par un non juif, un juif ne le voit pas
Lait chamour, son importance spirituelle
Kitsour Choulhan Aroukh en français, chapitre 38, halakha 13.
Le livre de la cacherouth, Rav Wagshall, page 4 et 5
Kitsour Choulhan Aroukh en français, chapitre 38, halakha 13.
Mivtsaim kehilkhatam, 1, page 224.
Chaarei halakha ouminhag, , yore Déah, 224.

Encyclopedia Talmudit, "halav chel goy".

 

 


Un dossier préparé par K. Acher