La cacherouth Un
dossier préparé par K.
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Plantes
OGM et Judaïsme
Rav Benjamin David
Une
plante OGM est une plante dont le code génétique a été modifié en introduisant
un gène provenant d'une autre espèce. Nous parlons donc de plantes transgéniques.
Cette domestication des plantes permet de changer leurs particularités, d'améliorer
leur productivité, les rendre plus résistantes à la maladie et aux sécheresses...
Les principales espèces transgéniques cultivées dans le monde sont le soja
(56% de la production mondiale de soja est transgénique), le coton, le colza
et le maïs. Rien ne prouve aujourd'hui que la consommation d'OGM présente
un risque sur la santé; comme rien ne prouve qu'il n'y en ait pas! Le débat
sur la vache folle en France a relancé le débat sur la légitimité de faire
des modifications génétiques sur les plantes, ce qui pourrait peut être mettre
en péril la population, selon certaines organisations, pour la protection
de la nature. En Europe, la réglementation oblige l'étiquetage les produits
contenants des OGM.
Nos décisionnaires rabbiniques ne sont pas restés indifférents face à ces
techniques et des responsa ont été publiés. Nous pouvons dire que la grande
majorité des rabbins a autorisé la fabrication et la consommation des plantes
transgéniques.
Interdit de croiser les végétaux:
Au
premier abord il semblerait qu'il est interdit de transférer les gênes d'une
espèce à une autre puisse que la Bible interdit de croiser les espèces végétales:
"Vous observerez mes lois. Tu n'accoupleras point des bestiaux de deux
espèces différentes; tu n'ensemenceras point ton champ de deux espèces de
semences; et tu ne porteras pas un vêtement tissé de deux espèces de fils"
(Lévitique 19,19).
Le commentaire de Nahmanide sur ce verset semble renforcer cette position:"La
raison pour laquelle le créateur a interdit les croisements est qu'il a créé
toute sorte de créatures animales et végétales. Il leur a donné une force
de reproduction afin qu'ils existent à perpétuité ou tant qu'il le désire
lui-même. Il leur a donné l'ordre de se reproduire selon leur espèce sans
changer de nature. Celui qui croise deux espèces change et détruit la création
première, revient à dire qu'il pensait que D.ieu... n'a pas créé un monde assez parfait.
Il désire donc l'aider dans la création du monde et rajouter des créatures!...
une raison de plus a été rajoutée sur l'interdit de faire des croisements:
afin de ne pas emmêler les forces spirituelles qui participent à la croissance
des plantes car dans le Midrach Rabbi Simon dit qu'il n'y a pas dans ce bas
monde une herbe qui n'a pas une force dans les cieux qui lui dit de grandir...
Ces forces ont été mises en place par le créateur, Celui qui plante et croise
des semences afin qu'ils profitent des différentes forces ensembles, annule
les lois célestes...".
Il semble donc qu'il est interdit de transférer des
gènes d'une plante à une autre. Cependant la démarche du judaïsme n'est pas
de définir des fondements philosophiques et spirituels, le judaïsme est avant
tout un guide pratique des actions de tous les jours. Il définit toujours
dans les moindres détails les actes qui sont autorisés et ceux qui sont interdits.
Un acte qui ne sera pas défini comme un interdit par notre codex de lois sera
donc autorisé, même s'il nous semble qu'il va contre l'esprit profond des
commandements. Le judaïsme ne se soucie pas seulement du résultat obtenu par
une action, Il se soucie aussi du parcours qui a permis d'aboutir à ces résultats.
Le judaïsme définit donc les parcours permis et ceux qui sont interdits, et
il est possible qu'ils aboutissent au même résultat. A propos de notre débat
sur les OGM, les décisionnaires rabbiniques ont précisé que seules les greffes
effectuées d'une façon traditionnelle c.a.d insérer une branche d'un arbre
dans le tronc d'une autre espèce (le greffon dans le porte-greffe) seraient
interdites par la Torah. Les manipulations génétiques ne font pas partie de
la démarche interdite par la Torah.
Le Rav Goren, ancien Grand Rabbin d'Israël a longuement développé cette idée.
Il démontre que la Torah n'a interdit que la fabrication d'espèces mais non
la consommation des greffes qui se seraient développées spontanément dans
la nature. Le résultat n'est donc pas le seul critère de permission ou d'interdiction.
Dans ce même esprit, le Rav Goren rappelle que seule la greffe des espèces
comestibles est interdite. "Les graines amères destinées à la fabrication
des médicaments ne sont pas interdites" (Rambam hilkhot kilayim chap.
1, loi 4) bien qu'une nouvelle plante soit pourtant obtenue.
Cédratier greffé |
Définition de la greffe interdite.
Le Rav Yichayaou Karélitz, le 'Hazon Ish, a défini une notion fondamentale
à propos des lois de la greffe des végétaux.
1. Si le greffon ne participe pas à la croissance du végétal et qu'il n'est
qu'absorbé par le porte-greffe et l'enrichit, cela est autorisé. Nous pouvons
considérer ce geste comme le fait d'arroser la plante ou de l'enrichir avec
des engrais.
Nous apprenons ce principe du passage talmudique du traité de Pessa'him (66a):
les habitants de Jéricho avaient reçu l'autorisation des sages de greffer
les palmiers dattier. Et au Talmud d'expliquer que cela consistait à injecter
dans les arbres une substance faite à base d'essence de myrte et d'orge. Cela
fortifiait l'arbre de telle sorte qu'il se développait considérablement. Tout
arbre proche qui n'avait pas reçu cet élixir se desséchait rapidement.
2. Par contre, lorsque le greffon a en lui-même une propriété de croissance
indépendante et qu'il rentre en symbiose avec le porte-greffe cela est interdit,
qu'il engendre une nouvelle espèce ou non. Car l'interdit de la Torah est
de greffer deux espèces différentes. Une espèce sera définie lorsque nous
sommes en présence d'une substance qui a le pouvoir d'engendrer d'une façon
autonome, qu'elle soit sous forme de graine, de branche ou de pousse.
Cette idée a été reprise par le Rav Chlomo Zalman Auerbach à propos des cédrats
(Etrog) utilisés pendant la fête de Souccot. Il n'est pas interdit d'injecter
du jus de citron dans un arbre de cédrat. De même, il ne faut pas considérer
un arbre de cédrat sur lequel les abeilles auraient déposé du pollen de citron
comme un arbre greffé, car ni le jus, ni le pollen n'ont les facultés à eux
seuls d'engendrer un nouvel arbre. Les Sages ont défini que la greffe n'est
interdite que lorsque sont greffées deux espèces qui ont chacune la possibilité
de se développer seule.
Cette notion fondamentale a des implications sur le transfert de gènes. Les
généticiens transfèrent des molécules qui n'ont pas les facultés de concevoir
une plante. Ces gènes ne sont donc pas des espèces et leur transfert n'est
pas interdit.
C'est la conclusion retenue par l'ancien grand rabbin d'Israël le Rav Elyaou
Bakchi Doron (Responsa Binyan Av) et le Rav Chlomo Amar, Grand Rabbin d'Israël
en fonction, dans son responsa Kérém Chelomo (tome 1, réponse 1).
Cacherouth des plantes transgéniques.
Le transfert d'un gène animal non cacher sur une plante aurait il une
implication sur la cacherout des fruits?
Le Rav Elyaou Bakchi Doron explique que puisque les gènes ne sont pas comestibles
et qu'ils n'ont pas de goût, ils ne sont plus considérés comme des aliments
interdits. De plus, durant le processus d'extraction des gènes, en général
les aliments sont traités par des produits chimiques qui les rendent inconsommables
même par un animal, et ils perdent leur statut d'aliment. De plus la quantité
de gène est minime de sorte qu'elle est considérée comme nulle.
Par contre, lorsque nous parlons de gènes provenant de céréales cela peut
être problématique pour Pessa'h si ces substances ont encore du goût.
Des gènes provenant de vin poseront aussi problème car il nous est interdit
de profiter de vin non cacher sous toutes ses formes et même en quantité minime.
Bénédiction avant de manger les fruits.
Grâce au transfert de gène nous pouvons envisager une production de tomate
sur des arbres qui vivront et donneront des productions plusieurs années consécutives.
Dans ce cas, devrons nous faire la bénédiction Boré Péri Haadama, comme nous
le faisons sur les fruits des plantes ou nous devrons faire la bénédiction
de fruits de l'arbre, Boré péri Haéts?
La réponse de nos décisionnaires est qu'il faudra considérer cette tomate
comme le fruit de l'arbre et donc bénir: Boré péri Haéts.
Ce n'est pas la nature du fruit qui définit la bénédiction, mais les conditions
dans lesquelles il s'est développé. A partir du moment où ce végétal est considéré
comme un arbre, il faudra respecter toutes les lois qui sont en vigueur envers
les arbres, comme les lois de Orla: pendant ses 3 premières années, il est
interdit de jouir des fruits de cet arbre, et la 4e année, ils sont réservés
et consacrés à D... et seulement à partir de la 5e année on pourra les consommer
(Lévitique 19, 23).
Santé publique.
Puisque aucune preuve n'a été à ce jour démontrée sur les risques de la
consommation des OGM sur la santé publique, nous ne pouvons pas interdire
leur production et leur consommation.
Il n'est pas certain que la loi juive puisse, sur des suspicions non fondées,
obliger les industriels à signaler la présence des OGM dans leurs produits.
Cependant, puisque la législation européenne oblige l'étiquetage de ces produits
il est certain que cela sera considéré par un tribunal rabbinique comme une
obligation.
Article de Rav Benjamin David
Rabbin Consultant à l'Institut Pouah, Jérusalem.
Rédacteur en chef de la revue Science et Ethique
http://www.puah.org.il/
-- http://www.pouah.org.il/
Paru dans la revue Science et Ethique N° 1, année 5768.