La cacherouth Un
dossier préparé par K.
Acher
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Ce compte rendu de l'article de Mme Miryam Z. Wahrman ne saurait être
une copie fidèle de ce long article paru en anglais dans la revue B'OR HATORAH, et ne peut en aucun cas servir
de base halakhique (législative).
L'auteur
situe historiquement la création d'animaux transgéniques, et leur apport
au monde scientifique et médical:
Depuis la première souris produisant une hormone de croissance,
des chèvres produisant un activateur plasminogène tissulaire utilisé dans
la désobstruction de vaisseaux coronaires et cérébraux,
Des fruits résistants au froid par injection de matériel génétique de poissons
arctiques, ou résistants à certaines attaques de parasites ou certaines
maladies,
du "riz doré" par adjonction d'un gène codant pour le béta carotène,
dont la carence est source de maladies dans le tiers monde.
Des vaches dont le lait produit de la lactoferrine,
des chèvres produisant des facteurs diminuant la coagulation sanguine, ou
de l'alpha antitrypsine, de l'hormone de croissance, de l'hémoglobine, du
facteur VIII pour traiter certaines hémophilies, etc…
On a fabriqué des souris qui produisent un antigène utilisé dans la préparation
de vaccins contre le paludisme.
Ainsi alors que le produit final est utilisé à doses infinitésimales auprès
des patients, un lapin peut produire 20 grammes de médicaments, un porc
en fera un kilo, et chèvres brebis et vaches près de 20 kilos dans l'année.
Le
transfert de matériel génétique se fait par injection dans la cellule hôte
de séquences d'ADN prélevé, purifié, et amplifié.
Les quantités injectées sont de l'ordre du picogramme 10-12 grammes, (1 millionième de millionième de gramme).
A modifier les caractéristiques biologiques des plantes et animaux, pourrait
on entrevoir la création d'un porc qui rumine, et serait candidat à la table
juive, ou à l'inverse de végétaux modifiés par des apports d'animaux non
cachers et qui deviendraient non cacher: Du porc cacher et des tomates taref?
A-t-on le droit de modifier des organismes, et qu'en sera-t-il de
leur statut de cacherouth?
On sait que les animaux terrestres doivent pour être cachers avoir le sabot
fendu et ruminer.
Moins
connu est l'émoi provoqué par la découverte dans le monde juif du babirusa,
un animal des îles indonésiennes, ressemblant à un porc, rumination en plus.
Jusqu'au jour où il fut acquis qu'il n'était pas un vrai ruminant.
Dans son analyse, le Rav David Bleich, notait que les animaux qui ruminent
ont une dentition particulière, manquant de canines et d'incisives, ces
dents qui déchirent la viande, et leur mâchoire supérieure a une surface
plane contre laquelle les herbes sont broyées par les seules dents de la
mâchoire inférieure.
Au point que l'absence de canines et d'incisives est en soi une preuve que
l'on a affaire à un ruminant. Plus encore, il précise un autre caractère
de cacherouth relevé par les Sages: [si l'on se trouve devant un animal
au sabot fendu dont on ne sait s'il rumine] la présence de cornes suffit
à affirmer que l'animal n'est pas un porc.
D'ici à modifier génétiquement un porc pour en faire un animal qui rumine,
qui a la dentition et la mâchoire adéquate et qui porte des cornes, les
généticiens ont de beaux jours devant eux…
D'autant que se lèvera alors un autre obstacle, qui est qu'on ne peut considérer
cacher qu'un animal sur lequel on a une tradition de maître à élève qu'il
est cacher.
Ou encore que tout animal né d'un animal impur est impur (non cachère) même
s'il a les caractères d'un animal pur. [Note du traducteur: on pourrait
cependant se demander ce qu'il adviendrait si l'embryon d'un animal impur
génétiquement modifié et destiné à faire naître un animal aux caractéristiques
d'un animal pur était implanté dans l'utérus d'un animal pur.]
Plus sérieusement, les manipulations génétiques sont elles permises
par la Torah?
Dans Vayikra 19, 19:
Observez
mes décrets: n'accouple point tes bêtes d'espèce différente; ne sème point
dans ton champ des graines hétérogènes et qu'un tissu mixte (chaatnêz) ne
couvre point ton corps.
Ce passage est la base de l'interdiction des mélanges d'espèces, pour
l'éleveur qui ne doit pas accoupler des animaux différents, pour l'agriculteur
qui ne doit pas ensemencer son champ d'espèces différentes, et pour tout
un chacun qui doit veiller à ne pas se couvrir d'un vêtement tissé ou filé
de lin et de laine mélangés.
La Michnah Kilayim 1, 6 vient nous développer la liste des espèces animales
visées: le loup et le chien, le chien"de village" et le renard,
les chèvres et les cerfs, les gazelles et les brebis, le cheval et la mule,
la mule et l'âne, l'âne et l'âne sauvage, même si ces espèces se ressemblent,
il est interdit de les mélanger.
On notera que s'il est interdit de les accoupler, il n'est pas interdit
de profiter de leur mélange fait dans la nature ou par un homme.
Na'hmanide, à propos de Vayikra 19, 19:
"La
raison pour laquelle le créateur a interdit les croisements est qu'il a
créé toute sorte de créatures animales et végétales. Il leur a donné une
force de reproduction afin qu'ils existent à perpétuité ou tant qu'il le
désire lui-même. Il leur a donné l'ordre de se reproduire selon leur espèce
sans changer de nature. Celui qui croise deux espèces change et détruit
la création première, revient à dire qu'il pensait que D.ieu... n'a pas
créé un monde assez parfait.
Il désire donc l'aider dans la création du monde et rajouter des créatures!...
On pourrait penser que cette position viserait à interdire également
les manipulations génétiques.
Or il a été rapporté par le Hazon Ich que la création d'hybrides par insémination
artificielle n'est pas interdite par la Torah, qui
ne vise que la reproduction par accouplement.
Et si déjà l'insémination artificielle qui manipule de la semence même,
est permise, a fortiori que les manipulations de matériel génétique sont
permises.
L'auteur rapporte que les lois sur les mélanges interdits sont un "
'hoq", une loi dogmatique, et que dans ce cadre nous nous devons de
suivre le " 'hoq" au pied de la lettre, sans lui rajouter d'extensions.
Il note encore que l'interdiction de mélange concernant les végétaux a une
tolérance pour une quantité de graines étrangères à l'essentiel de la semence
de l'ordre de 1/24, et que même si l'interdiction de "mélange"
s'appliquait aux manipulations génétiques, on est bien en deçà puisque la
cellule hôte pèse des millions ou des milliards de fois plus que le matériel
injecté.
Et il n'en reste pas moins que de toute façon, la Torah n'interdit pas de
faire usage d'un mélange réalisé par un tiers…
La souffrance animale:
La souffrance
des animaux de laboratoire, et en particulier la souffrance éventuelle d'animaux
dont la physiologie a pu être modifiée par des manipulations génétiques,
ne saurait échapper aux questionnements de l'homme de Torah.
Parmi les lois concernant la souffrance animale, on retient l'obligation
d'alléger le fardeau d'une bête d'autrui qui ploie sous la charge, l'interdiction
d'abattre la mère en même temps que les petits, le repos chabbattique qui
s'impose aux animaux du juif, l'interdiction de castrer, l'obligation de
recourir à une lame sans défaut pour égorger un animal, l'égorgement lui-même
étant jugée moins douloureuse que toute autre forme d'abattage.
Ceci dit, le travail animal est permis par la Torah, tant qu'il s'agit de
servir l'homme.
Dans le domaine de la santé, l'expérimentation animale est autorisée pour
la production et la recherche de nouveaux traitements, même pour des maladies
non létales, conformément à l'ordre "verappo yerappé" (Chemot
21: 19, "et il devra guérir")
La souffrance animale pour le seul profit commercial serait par contre interdite.
L'auteur pose encore quelques questions:
Une plante pourrait elle être rendue non cachère par adjonction de matériel
génétique d'un animal non cacher? Pourrait elle avoir le statut d'un met
de viande au regard des mélanges de lait et viande interdits?
Les tomates que l'on ferait pousser sur un arbre deviennent elles fruits
de l'arbre au regard des bénédictions à réciter avant le repas?
Considérations environnementales
Enfin la Torah n'est pas étrangère aux considérations environnementales,
et la démarche doit prendre en compte les risques que pourrait faire courir
la dissémination de plantes transgéniques sur la flore et la faune naturelle,
les risques pour l'homme liés à la présence de molécules nouvelles dans
son alimentation: allergie, toxicité.
Traduit de B'OR HATORAH,
N° 16, 5766/2006
Professor Miryam Z. Wahrman
http://www.borhatorah.org/
Les illustrations sont liées à la fantaisie de la Rédaction
de K.Acher...
MIRYAM
Z. WAHRMAN est professeur de Biologie à l'université William Paterson University
du New Jersey