La cacherouth Un
dossier préparé par K.
Acher ![]()
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Un boucher à Presbourg
Le
Rav Chimon Sofer (1820-1883), fils du célèbre 'Hatam Sofer
de Presbourg, vint un jour en visite à Cracovie. Il demanda à
son hôte, Reb Zussman, de l'emmener chez le Rav de la ville.
"Rabbi Chimon, cela fait bien longtemps que nous n'avons pas de Dayan
dans notre ville.
- Comment est ce possible dans une ville comme Cracovie, emplie de Sages?
- C'est là le problème, Rabbi Chimon. Ce sont justement à
cause des Sages de la ville que nous n'avons pas un nouveau Rav de la ville.
- Quoi, à cause des érudits de Cracovie vous n'avez pas de
Rav? Comment cela est il possible?"
Reb Zussman expliqua que tout candidat à cette charge devait présenter
un discours talmudique devant l'assemblée. Et les trois premières
rangées étaient occupées par les érudits de
la ville, ceux qui passent leur vie à discuter et argumenter sur
le Talmud. Ce sont eux qui mettaient en pièce le discours du candidat,
à force de questions et de remarques, avant de mettre en pièces
l'orateur lui-même. Malgré des heures d'apres batailles, aucun
n'avait réussi à franchir les trois premières rangées.
"Combien de grands Sages de notre génération ont quitté
la Maison d'Etude couverts de honte après une telle épreuve
…
Voici pourquoi la place du Rav est vacante depuis si longtemps."
Rabbi Chimon fut plongé dans une grande réflexion.
- Si c'est ainsi, je me porte candidat à la fonction de Rav de Cracovie.
- Rav, pourquoi plonger dans un tel piège? Pourquoi risquer un tel
affront?
Mais rien n'y fit.
Rabbi Chimon partit rencontrer les chefs de la communauté pour leur
présenter sa demande.
Ils furent très heureux qu'un grand Rav comme Rabbi Chimon postule
ce titre, mais le mirent en garde: "qu'allez vous faire de nos trois
premières rangées? Épargnez-vous cette épreuve
qui a éreinté plus d'un grand de notre génération."
Rabbi Chimon les regarda en souriant.
"Je ne crains pas les génies et érudits de Cracovie".
Le
jour même, tous se rassemblèrent dans la synagogue "du
Ramo" (Rabbi Moché Isserlès).
Les érudits étaient là, aux premiers rangs, tout excités
par la proie de choix qui s'était présentée devant
eux, prêts au combat.
Un grand silence se fit lorsque la silhouette de Rabbi Chimon apparut dans
l'encadrement de la porte. Son port princier fit une grande impression sur
l'assemblée. Il parcourut l'assistance d'un regard tranquille, emprunt
de bonté.
"Messieurs, avant de commencer mon discours, je tiens à vous
raconter une histoire.
Vous savez tous que mon père, le 'Hatam Sofer, fut le Rav de la ville
de Presbourg. Il était aimé et respecté de tous. Tous
avaient accepté sa direction, et suivaient au pied de la lettre ses
consignes.
Il arriva qu'on lui parle d'un boucher qui commettait de graves négligences
en matière de cacherouth. Mon père lui envoya un puis plusieurs
messagers, pour le mettre en garde. Ils furent tous chassés avec
mépris et parfois des coups par cet homme.
Après plusieurs tentatives infructueuses, mon père m'appela.
Il m'enseigna un "chem" (nom saint) et me chargea d'aller demander
au boucher de cesser ses méfaits.
Lorsque j'arrivai chez le boucher, je le mis en garde: saches que mon père
m'a enseigné un "chem" qui peut mettre fin à tes
jours. Tu dois cesser de vendre de la viande qui n'a pas les qualités
de cacherouth requises, faute de quoi je sera obligé de prononcer
ce "nom" et tu mourras sur place.
L'homme était loin d'être fin, et se mit à m'insulter
et me pousser, puis leva la main pour me frapper. C'est ainsi que la ville
fut débarrassée de ce mécréant.
Messieurs, si vos intentions sont pures et vraiment pour l'amour de la Torah,
je suis prêt à défendre avec vous les arguments de mon
discours. Mais si votre seule intention est de me contrer pour montrer votre
capacité de nuisance, dans le seul but de nuire à l'orateur,
sachez que je me souviens encore de ce saint "chem" et que je
suis prêt à le prononcer à votre intention".
A peine eut-il terminé cette introduction, que les "trois rangées"
se vidèrent instantanément dans un désordre inhabituel.
Les érudits s'étaient sauvés, qui par la porte, qui
par la fenêtre.
C'est dans un grand silence que Rabbi Chimon commença son exposé,
et le termina sans que quiconque y trouve à redire.
Rabbi Chimon Sofer, auteur du "Mikhtav Sofer" fut le Rav de Cracovie
durant 23 ans et c'est là bas qu'il repose.
Une histoire adaptée
de Yaïr Weinstock,
Traduite de http://www.bhol.co.il/article.aspx?id=36760&cat=8&scat=51
Un dossier préparé par K. Acher