La cacherouth

Un dossier préparé par K. Acher
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UN TROP BON PLAT

 

C'était au cours d'une réunion hassidique qui comptait les plus grands disciples du Baal Hatanya, dont certains avaient connu le Maguid de Mézéritch et Rabbi Israël Baal Chem Tov.
Rav Nathan, qui était sacrificateur rituel, amena un plat de poumon frit, comme il était fréquent en ce temps-là de le consommer en guise d'apéritif.
Reb Chmouel Mounkès était aussi présent. Aux yeux des érudits et des grands hassidim, celui-ci passait pour « un plaisantin hassidique" car on ne l'entendait jamais disserter de sujets talmudiques ou hassidiques. On ne le voyait jamais non plus prier longuement, selon l'habitude des hassidim Habad. Toujours joyeux, il passait son temps à plaisanter. Dans cette réunion hassidique, comme dans toutes les autres, il servait la vodka et la nourriture.
Lorsque la marmite de poumon arriva, c'est naturellement lui que l'on désigna pour en distribuer le contenu aux convives. Il s'en réjouit vivement, commença à danser avec la marmite mais, malgré les demandes des invités, n'en donna à personne.
Quelques minutes passèrent ainsi et les convives décidèrent de se servir de force. Lorsque Reb Chmouel Mounkès s'en rendit compte, il quitta sa place d'un bond, jeta le contenu du plat dans une flaque d'eau sale et entama une danse cosaque.
Tous étaient stupéfaits devant cet acte par lequel il méprisait la nourriture et transgressait l'interdiction que la loi juive fait de gaspiller et détruire inutilement. Ils décidèrent donc de le punir pour ce geste. Lorsque Reb Chmouel Mounkès prit connaissance de leur décision, il se coucha sur la table et s'y soumit. Les hassidim lui appliquèrent sa punition sans regret ni retenue. Puis, Reb Chmouel Mounkès descendit de la table et sortit afin de tenter de trouver un met qui remplace le poumon frit. Il était déjà tard dans la nuit mais il réussit néanmoins à trouver un habitant de Lyozna qui lui donna un bocal de choucroute. Il revint ainsi à la maison d'étude où se tenait la réunion hassidique et servit le nouveau plat à table.
Les hassidim qui n'avaient pu goûter au poumon frit le regardèrent d'un oeil mauvais mais soudain, le boucher de la ville fit irruption dans la salle en criant: « Ne touchez pas au poumon, la bête est Tréfa (Interdite à la consommation par la loi juive car présentant un organe dont la défaillance la promet à une mort certaine).
Tous furent abasourdis d'une telle nouvelle
En fait, par erreur, la femme du boucher avait servi à la femme du sacrificateur rituel un poumon impropre à la consommation. Lorsque le boucher était revenu et avait constaté l'erreur, il se rendit précipitamment à la maison de Rav Nathan. Là-bas, on lui apprit que ce dernier était déjà parti à la maison d'étude avec le poumon frit.
Lorsque les hassidim comprirent ce qui s'était passé, il demandèrent à Reb Chmouel Mounkès : "Depuis quand te permets-tu de faire des miracles?".
En effet, les hassidim de l'époque, malgré leur ni veau spirituel exceptionnel, grâce auquel certains auraient pu faire des miracles, s'en étaient fait interdiction, considérant une telle prérogative comme celle de leur Rabbi.
Les hassidim décidèrent donc, dans un premier temps, de punir une deuxième fois Reb Chmouel Mounkès pour avoir enfreint cette interdiction. Une fois de plus, Reb Chmouel Mounkès se coucha sur la table, prêt à subir ce nouveau châtiment. Mais les plus anciens parmi les hassidim lui demandèrent de descendre et de leur expliquer comment il avait réussi à savoir que le poumon était impropre à la consommation selon la loi juive.
Celui-ci répondit : "Je ne savais absolument rien. Par contre, lors de mon premier entretien privé avec le Rabbi, j'ai pris la décision de ne jamais tirer plaisir des choses de ce monde. Or, lorsque l'on a apporté le poumon frit, j'ai constaté que celui-ci avait grandement éveillé mon appétit et celui de l'assistance qui le réclamait avec une insistance inhabituelle pour des hassidim d'un tel niveau. J'en ai donc déduit que ce plat devait receler un problème car l'interdit est toujours plus attrayant que le permis. C'est pourquoi j'ai pris la décision de le jeter.".

Lu dans "Perspectives Hassidiques".
Traduit par Igal Elmkies

Un dossier préparé par K. Acher