A notre époque, il est fréquent d'avoir à écarter
des Cho'hatim qui déclarent cacher un animal qui ne l'est pas.
Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, la situation inverse
a existé. Autrefois.
Autrefois, il arrivait qu'un Cho'het trop scrupuleux déclare non
cacher un animal douteux. Il évitait ainsi les choix difficiles
de déclarer cacher un animal dont il n'était pas persuadé
qu'il l'était. Il s'évitait aussi la mauvaise réputation
d'avoir laissé passer un animal dont un petit malin pouvait dire
qu'il n'était pas cacher "de l'avis de tous". Il faut dire que
certains cas ardus auraient pu nécessiter des heures de relecture
des décisionnaires, des discussions infinies avec les érudits
de la ville. Il s'évitait aussi les remords ou les doutes que donne
le sentiment d'avoir failli à sa tâche qui était de
donner à sa ville, et en premier lieu au boucher qui l'employait,
une viande au-dessus de tout soupçon. Parfois, plus sournoisement,
il se vengeait ainsi d'un boucher discourtois qu'il laissait avec une
bête tréfa, juste bonne à vendre à moindre
aux bouchers non juifs. Mais ce n'est pas notre propos.
Il arriva ainsi plus d'une fois que le Baal Chem Tov se déplace
personnellement pour faire congédier un Cho'het qui avait choisi
la voie de cette facilité.
Un jour, un de ses propres élèves, le Rabbi Yaacov Yossef
de Polnoye, l'auteur du livre "Toldot Yaacov Yossef" vint se plaindre
à son maître que depuis deux semaines il n'arrivait plus
à prier. Comprenez qu'il priait, mais ne sentait plus la communion
avec son Créateur, avait perdu le sens profond des mots, était
incapable de sentir les portes du ciel s'ouvrir devant ses supplications…
Le Baal Chem Tov lui répondit que c'était une oie qui perturbait
sa prière.
Le Rav se
souvint qu'effectivement, quelques semaines auparavant, on lui avait apporté
à la veille de Chabbat une oie à examiner. Dans sa hâte
de se rendre à la synagogue, le Rav n'avait pas accordé
toute l'attention nécessaire au cas qui lui était présenté
et avait déclaré que cette oie n'était pas cachère.
L'âme qui était réincarnée dans cette oie n'avait
pas accepté d'avoir été repoussée avec tant
de légèreté et réclamait un "tikoun" (réparation)
pour finaliser le but de sa descente sur terre (par exemple le fait d'être
mangée par un juif, avec bénédictions et paroles
de Torah, notamment à une table de Chabbat ou lors d'un repas de
Mitsvah).
Le Baal Chem Tov parvint à donner à cette âme la réparation
que son séjour dans le corps de l'oie aurait du lui procurer, et
Rabbi Yaacov Yossef retrouva le plaisir de prier.
Un dossier préparé par K. Acher