Posté
le 6 juin 2002
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Ce document a été réalisé par le Comité de Rédaction de la Commission Interloge ADL Région Parisienne du B'nai B'rith.
Préambule ( Le présent texte a pour but d'informer et de rétablir des vérités)
Ce
document a été réalisé avec l'aide de : .
Danielle Cervi
Jean-Marc Elbaz (Docteur-vétérinaire)
Gilbert Ganouna
Jacqueline Rebibo
Franco Setta,.
M. le Grand Rabbin Fizon
M. le Grand Rabbin Gugenheim.
Nous remercions pour leur aide précieuse toute l'équipe du Comité de Rédaction
de la Commission Inter loge ADL Région Parisienne du B'nai B'rith
Mal connue des non-Juifs, la shehita (abattage rituel juif) est une technique
décrite et codifiée de manière très précise dans la Torah (Loi), et imposée
au peuple juif comme seul mode possible d'abattage des animaux.
La
shehita est fondée sur un principe constant de la Torah : le respect de la vie
animale. Elle implique la nécessité de limiter au maximum la douleur
de l'animal lors de l'abattage, et de ne pas banaliser sa mort. Dans ce document,
nous passerons en revue les règles du droit hébraïque relatives à la protection
animale et à la shehita. Nous présenterons également les aspects législatifs,
techniques et scientifiques de la shehita, et les conclusions de travaux réalisés
par des scientifiques de diverses nationalités et confessions. Il apparaîtra
que le judaïsme est allé très loin dans le profond respect de l'animal et dans
la prise en compte de sa souffrance.
Table
des matières
1) Préface
2) Les Bases religieuses de la shehita
3) Le shohet (abatteur rituel)
4) Le déroulement de la shehita
5) Aspects réglementaires
6) La shehita et la limitation de la souffrance de l'animal
7) L'abattage après étourdissement, couramment utilisé en France, et la
souffrance de l'animal
8) La shehita et l'hygiène de la viande
9) Conclusion
10) Lexique
11) Bibliographie
12) Reflex
1) Préface par Monsieur le Grand Rabbin Michel Gugenheim
Je tiens à saluer le remarquable travail de présentation et d'information
que vient de réaliser l'ADL du B'nai B'rith à propos de l'abattage rituel selon
le judaïsme : la shehita.
Divisé en deux parties, il met l'accent, d'une part, sur l'exceptionnelle humanité
qui transparaît de l'ensemble de la législation juive dans sa relation aux animaux
; et, d'autre part, sur les travaux scientifiques qui ont démontré le caractère
étonamment indolore de la shehita, par opposition aux autres méthodes de mise
à mort, couramment pratiquées aujourd'hui de par le monde.
L'abattage rituel juif est souvent décrié, pour ne pas dire condamné par des
personnes bien intentionnées, mais très mal informées.
C'est pourquoi nous souhaitons une très large diffusion de ce document, en espérant
qu'il convaincra tout observateur honnête du caractère optimal et exemplaire
de ce mode d'abattage et qu'il emportera l'adhésion de tous ceux qui sont sincèrement
attachés au respect et à la protection des animaux.
2)
LES BASES RELIGIEUSES DE LA SHEHITA
La prescription de la shehita apparaît dans le Pentateuque (loi écrite).
Ses modalités pratiques sont précisées dans la Michna (loi orale) constituée
par un ensemble de commentaires sur le texte écrit. Ces deux lois, écrite et
orale, ont été transmises à Moïse par l'Eternel au Mont Sinaï. Elles ont une
valeur absolue, et par essence, elles sont transcendantes.
Consommer des protéines d'origine animale (viande, lait, poisson, oeufs) est
un besoin biologique de l'homme : " Tu diras : je veux manger de la
viande, désireux que tu seras d'en manger, tu pourras manger de la viande selon
tes désirs... Tu pourras tuer de la manière que je t'ai prescrite, de ton gros
ou menu bétail que l'Eternel t'aura donné et en manger dans tes villes comme
il pourra te plaire" (Deutéronome XII, 20, 21). Au lieu d'assouvir directement
son besoin, l'homme se soumet à la loi divine. En abattant et en préparant rituellement
sa viande, l'homme reconnaît que se nourrir n'est jamais anodin, et implique
un acte grave : la mise à mort d'un animal. La shehita est l'élément essentiel
de cette démarche.
Si la Torah reconnaît à l'homme le droit de tuer des animaux pour se nourrir,
elle lui demande deux choses essentielles :
- respecter la dignité des animaux, de leur vivant et jusqu'après leur mort
;
- limiter au mieux leur souffrance et leur stress au moment de leur mise à mort.
Le commandement du respect de la dignité de l'animal et la sollicitude à son
égard apparaissent à de nombreuses reprises dans la Torah et sous la plume des
commentateurs, par exemple :
-
Interdiction de museler le boeuf pour l'empêcher de se nourrir durant son travail
aux champs (Deutéronome XXV,4) ;
- Repos obligatoire des animaux le shabbat (Exode XX,10) ;
- "Si tu vois l'âne de ton ennemi succomber sous sa charge, garde-toi de l'abandonner,
aide-le au contraire à le décharger" (Exode XXIII,5).
- "L'interdiction de faire souffrir un être vivant est un ordre de la Torah"
(Talmud, traité Baba Metzia 32b) ;
- Obligation de nourrir les animaux avant de prendre son repas (Guitine 62a)
;
- Interdiction d'atteler ensemble un boeuf et un âne car leurs forces et leurs
allures sont différentes (Commentaire de Ibn Ezra sur Deutéronome XXII,10) ;
- Interdiction de la chasse comme loisir (Noda Biyeouda de Rabbi
Ezechiel Landau -1713 - 1793-, tome 1, question 10) ;
- Interdiction de la castration (commentaire Even Hauzer V,11).
La mise à mort d'un animal doit s'effectuer de manière à lui éviter au maximum
souffrance et stress :
- Interdiction de l'abattage d'un veau et de sa mère le même jour (Levitique
XXII, 28) ;
- Obligation de l'abattage rituel (Deutéronome XII, 20, 21).
Ce respect se prolonge au-delà de la mort de l'animal, dans la préparation et
la consommation de la viande (kacherout). Ainsi, par exemple, l'homme ne doit
pas consommer de sang, principe de vie, et porteur, selon la tradition du nefech,
du souffle de vie :
-"Car le principe vital de la chair gît dans le sang " (Levitique XVII, 11)
;
-"Mais évite avec soin d'en manger le sang, car le sang c'est la vie, et tu
ne dois pas absorber la vie avec la chair" (Deuteronome XII,23) ;
-"Aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n'en mangerez" (Genèse
IX, 4) ;
- Rachi (Rabbi Salomon, fils d'Isaac de Troyes 1040-1105) explique que le sang
de l'animal constitue son "principe de vie", puisque sa vie en dépend (commentaire
de Rachi, Levitique XVII,14).
On peut noter que la physiologie moderne nous apprend que grâce à l'oxygène qu'il transporte, le sang permet la production de l'énergie nécessaire à la vie de l'organisme, jusque dans la paroi des mitochondries.
3)
LE SHOHET (ABATTEUR RITUEL)
Depuis 1964, tout abattage rituel d'animaux de boucherie doit être pratiqué
par un shohet (abatteur rituel) habilité à la fois par la Commission Rabbinique
Intercommunautaire et par le Ministère de l'Agriculture (décret n°64-334 du
16 avril 1964). Une circulaire datant du 28 décembre 1970 (DSV n°1246-C), puis
précisée le 25 décembre 1978 (DQ/SVHA/C-78 n°157C) a permis la mise en place
d'une carte spéciale semestrielle de couleur, délivrée au shohet par la Commission
Rabbinique Intercommunautaire (Consistoire Central Israélite de France et d'Algérie)
et enregistrée par la Direction Départementale des Services Vétérinaires (Ministère
de l'Agriculture).
Le Traité Houlin du Talmud de Babylone indique que tout homme majeur, versé
dans les lois de la shehita, en pleine possession de ses facultés physiques
et intellectuelles peut abattre rituellement (Houlin 2a). En 1220, un synode
rabbinique en Allemagne décide que pour exercer, tout shohet doit recevoir,
après examen, une kabbala, (aptitude à abattre). Puis le traité Yoré Déa du
Choulhan Arouh (Code de lois rédigé par Rabbi Yossef Caro, paru à Venise en
1565, puis annoté par Rabbi Moché Isserles de Cracovie) prévoit les critères
d'obtention de la kabbala :
- des aptitudes physiques,
- une parfaite conaissance des règles, nombreuses et complexes de la shehita,
- des qualités morales et de fidélité sincère à la Torah.
Le Tribunal Rabbinique effectue des contrôles permanents de l'aptitude du shohet.
Toute faute peut entraîner un retrait temporaire de la kabbala, une faute morale
entraînant un retrait définitif. Même expérimenté, un shohet doit réviser en
permanence les enseignements théoriques de la shehita.
4)
LE DÉROULEMENT DE LA SHEHITA
Des règles très précises codifient les quatre phases de la shehita.
1- EXAMEN AVANT L'ABATTAGE
Tous les animaux subissent avant l'abattage un examen destiné à s'assurer de
leur bonne santé. En cas de maladie ou de traumatisme grave, l'animal est déclaré
terepha (impropre à la consommation).
2- CONTENTION LORS DE L'ABATTAGE
Tout étourdissement ou anesthésie (électrique, chimique...) préalables sont
interdits et rendent l'animal nevela -impropre à la consommation (Rav Ythzak
Weiss, Minhat Ytzhak, tome 2, chapitre 27). Une contention de l'animal est nécessaire
; néammoins il n'existe pas de règles religieuses précises à ce sujet.
La position idéale de la bête pour pratiquer la shehita est le décubitus dorsal
(position sur le dos). Dans cette position, l'animal a le cou tendu, ce qui
facilite la section de la peau en évitant une derassa (pression du couteau).
La règlementation (article 8 du décret 8C 491 du 1 octobre 1980) prévoit que
l'immobilisation des animaux est obligatoire avant tout abattage, quel qu'en
soit le mode.
En ce qui concerne la shehita, la contention permet d'immobiliser l'animal afin
de pouvoir effectuer l'incision selon les règles, et d'éviter ainsi toute souffrance
à l'animal, tout en préservant la sécurité des exécutants.
En France, pour tout abattage, la contention manuelle par des cordes ou en caisse
d'affalage est de plus en plus remplacée par la contention en holding-pen ou
en casting-pen (Barski 1973). Ces procédés sont moins traumatisants pour l'animal
et plus sûrs pour le personnel. Ces appareils sont des box étroits où l'on fait
entrer la bête ; elle est y bien maintenue par les parois et a le cou tendu.
- Dans le holding-pen, l'incision se fait dans cette position, l'animal restant
sur ses quatre pattes, ce qui n'est pas conforme avec les préceptes religieux.
- Le casting-pen effectue une rotation à 180°, plaçant l'animal sur le dos avant
la saignée. La cadence d'abattage est plus faible qu'avec le holding pen. En
France, la shehita s'effectue exclusivement en casting pen. Ceci est donc totalement
en accord à la fois avec les règles religieuses et avec les règles sanitaires.
3 - L'INCISION
Les règles de l'incision sont très précises. Elles ont une signification
religieuse et visent à réduire au maximum le stress et la souffrance de l'animal.
Le halef (couteau) : il est en acier, sa longueur est égale à deux fois la largeur
du cou de l'animal, ce qui permet de pratiquer l'incision sans interruption
; sa section est presque triangulaire ; son extrémité est rectiligne, perpendiculaire
à son axe, jamais pointue, pour ne pas risquer de perforer au lieu d'inciser.
C'est le Talmud de Babylone (6ème siècle) qui indique les règles de son utilisation
(traité Houlin 17 b) : avant chaque saignée, il faut faire l'épreuve du couteau
sur le fil et sur chaque face du fil en passant l'ongle et la pulpe du doigt
(Yoré Déa 18,9).
Par la suite Maïmonide, dans son ouvrage de lois Michné Torah, précise que s'il
y a un sillon, même très petit, sur le fil du couteau, la shehita est pesoula
(impropre). Le tranchant doit être parfait. Tout défaut, même de la taille d'un
cheveu, rend donc le couteau inutilisable (Yoré Déa 18,2).
Le shohet prononce la bénédiction d'usage, puis il applique son couteau après
avoir tendu la peau pour obtenir une incision franche et rapide. La shehita
s'effectue en aval du larynx, en amont de la bifurcation de la trachée (Yoré
Déa 20,1). L'incision doit se pratiquer au milieu du cou (Yoré Déa 20,3), et
ne comprend que les parties molles. Les vertèbres cervicales ne doivent en aucun
cas être touchées.
Le Talmud (traité Houlin 28a) et le Choulhan Arouh (XXI,1) nous indiquent les
impératifs techniques de la shehita :
- incision de la plus grande partie de la trachée et de l'oesophage pour les
mammifères ruminants et ongulés,
- incision de la plus grande partie de l'un de ces deux organes pour les oiseaux.
Cinq "erreurs" -qui risqueraient de faire souffrir l'animal- disqualifient la
shehita (Yoré Déa 23 et 24) :
- interruption du mouvement d'aller-retour (shehiya ) ;
- pression du couteau sur le cou de l'animal (derassa) ;
- perforation ou enfouissement de la pointe (halada) ;
- glissement du couteau entraînant une erreur de localisation de l'incision
(hagrama) ;
- arrachement de la trachée et du larynx (hikkour).
Cette rigueur dans l'acte de la shehita a pour motivation principale la rapidité
d'exécution et la diminution optimale de la souffrance de l'animal. Elle permet
aussi d'obtenir la saignée la plus complète possible.
4 - L'INSPECTION :
La dernière étape consiste en une bediqua (contrôle) de la carcasse et des
principaux viscères par le shohet. Si l'animal n'est pas kacher il ne peut être
consommé par des Juifs pratiquants.
Seule cette attitude rigoureuse est de nature à garantir à long terme la non-déviation
par rapport aux règles de la shehita et à réduire la souffrance des animaux
ultérieurement abattus.
Dans la pratique, cet examen conduit à ne pas considérer comme kacher la plupart
des veaux qui ont été élevés en batterie. En effet, l'inspection des viscères
révèle presque toujours des adhérences entre les poumons et la plèvre chez de
tels animaux, qui les rendent terepha.
Une dernière inspection est pratiquée par le Vétérinaire - Inspecteur, au même
titre que pour tous les animaux de l'abattoir.
5)
ASPECTS RÈGLEMENTAIRES
La réglementation française, par le décret du 1er octobre 1980 (n° 70-791)
tenant pour application de l'article 276 du Code Rural, prévoit (article 9)
:
"L'étourdissement des animaux, c'est-à-dire l'utilisation d'un procédé autorisé
qui les plonge immédiatement dans l'état d'inconscience, est obligatoire avant
la mise à mort, à l'exception des cas suivants :
- Abattage d'extrême urgence.
- Abattage pour des raisons de police.
- Abattage du gibier lorsque le procédé utilisé, qui doit être préalablement
autorisé, entraîne la mort immédiatement, sans saignée ni souffrance préalable.
- Abattage rituel."
La shehita est donc une technique d'abattage officielle.
L'abattage rituel doit impérativement être pratiqué dans un abattoir, et s'effectue
dans les mêmes locaux que l'abattage non rituel. Un contrôle permanent de tous
les animaux abattus -rituellement ou non- y est effectué par les Vétérinaires
- Inspecteurs et les Techniciens des Services Vétérinaires chargés du contrôle
de salubrité au sein des abattoirs. Il n'existe pas d'abattage rituel juif clandestin.
Aucune plainte concernant l'hygiène de l'abattage rituel juif n'a été déposée
à la Direction des Services Vétérinaires depuis la parution du décret de 1980.
Il faut noter que depuis 1994, des dispositions analogues entourent l'abattage
halal pratiqué selon la loi musulmane : les abatteurs doivent être agréés par
le Préfet.
6)
LA SHEHITA ET LA LIMITATION DE LA SOUFFRANCE DE L'ANIMAL
La shehita ayant été le mode d'abattage le plus contesté en Europe, elle
a eu le privilège d'être le plus étudié par les scientifiques d'Europe, d'Amérique
et d'Israël depuis un siècle. Il n'est pas aisé d'évaluer la souffrance d'un
animal. L'absence de mouvements de la bête peut être due à une paralysie sans
perte de conscience. A l'inverse, un saignement violent et rapide, des mouvements
d'origine réflexe et souvent désordonnés, pour impressionnants qu'ils soient,
ne signifient pas que l'animal soit conscient ou ressente une douleur. Les scientifiques
ont donc eu recours à des critères physiologiques, physico-chimiques et chimiques.
De nombreuses mesures ont été effectuées sur des bovins et des ovins.
L'incision franche avec un objet tranchant parfaitement aiguisé ne fait pas
ressentir la douleur immédiatement. Chacun a déjà pu observer que lorsque nous
nous coupons avec un objet bien aiguisé, nous ne ressentons la douleur qu'après
un certain laps de temps, même lorsque la coupure concerne une région fortement
innervée comme le doigt . De plus, l'incision du cou telle qu'elle est pratiquée
dans la shehita n'intéresse qu'une région très faiblement innervée, ce qui contribue
encore à éviter la douleur chez l'animal pendant l'incision.
Effectivement, au moment de l'incision, le taux d'adrénaline sanguin et la glycémie,
paramètres chimiques augmentant lors du stress, sont moins élevés chez les animaux
abattus selon la shehita que chez des animaux abattus selon d'autres procédés
(Ruckebusch 1977, Luc 1983). Une étude effectuée sur des bovins montre que l'électroencéphalogramme
(EEG) avant et immédiatement après l'incision est identique ; on ne détecte
aucune modification du tracé témoignant d'une quelconque douleur liée à l'incision.
Lors d'un abattage avec étourdissement préalable, il y a au contraire, au moment
de l'incision, une augmentation systématique de l'activité cérébrale, apparente
sur l'EEG (Schulze 1978 cité par Koginski 1982).
Par la suite, en 4 à 10 secondes après la shehita, un état d'inconscience est
détecté à l'EEG. En 13 à 23 secondes, l'EEG est plat. Lors d'un abattage après
étourdissement, l'EEG plat n'est atteint que plus lentement (Schulze 1978 cité
par Koginski 1982). Cette différence s'explique par les effets de la shehita
sur l'organisme, qui ont été étudiés par des physiologistes de renom. Plusieurs
facteurs indiquent que la shehita provoque une anoxie (manque d'oxygène) très
rapide des cellules nerveuses du cerveau ; le cortex, centre de la douleur,
cesse donc de fonctionner :
- Instantanément, la section par le shohet des veines jugulaires et des artères
carotides provoque une diminution de pression du liquide céphalo-rachidien.
La principale fonction de ce liquide étant de maintenir une certaine pression
au niveau du cerveau, il y a perte de conscience au bout de 3 à 5 secondes,
conséquence de l'anoxie cellulaire (Levinger 1976).
- Les mesures de la pression sanguine dans l'artère maxillaire interne montrent
qu'elle chute à zéro en moins d'une seconde après l'incision. Dans les 3 secondes,
il en va de même dans l'artère vertébrale. Ces deux artères étant les seules
à irriguer le cerveau, le cortex, centre de la douleur, s'arrête rapidement
de fonctionner (Lieben 1925 ; Spörri -Chaire de Physiologie de l'Université
de Zürich, 1965 ; Dukes 1968 cité par Koginski 1982 ; Levinger 1979).
- Cet effet physiologique est encore renforcé par la position sur le dos de
l'animal, qui entraîne une stagnation du sang veineux dans les vaisseaux et
les tissus avant la saignée : ceci a pour effet d'accélérer encore l'anoxie
des cellules nerveuses du cerveau.
Lors de la shehita, immédiatement après l'incision, apparait une phase de repos
où la respiration peut même s'arrêter. Cette phase dure 8 à 150 secondes (Levinger
1976).La poursuite de la respiration et des battements cardiaques sont sans
influence sur la douleur, dès lors qu'il y a eu section des artères irriguant
le cerveau.
Parfois apparaît une phase de respiration lente et profonde, avec des mouvements
incoordonnés et des contractions musculaires épileptiformes, qui durent en moyenne
70 secondes. Ces myoclonies ne sont pas toujours observées. Lorsqu'elles surviennent,
c'est après 14 à 42 secondes. La phase de repos est alors très courte (8 à 14
secondes). L'observation de ces mouvements est à l'origine de controverses sur
la shehita. Ces contractions sont des secousses convulsives d'ordre mécanique.
Elles surviennent à un moment où l'animal est inconscient, et malgré leur caractère
impressionnant elles sont exclusivement de nature réflexe et non conscientes1
(voir les travaux des Professeurs de Physiologie animale : Mangold -Directeur
de l'Institut de Physiologie animale de l'Unversité de Berlin ; Bethe -Université
de Francfort ; Krogh -Université de Coppenhague, prix Nobel ; Magnus -Université
d'Utrecht ; Barrier -Membre de l'Académie Vétérinaire, tous cités par Berdugo
1973).
7) L'ABATTAGE APRÈS ETOURDISSEMENT, COURAMMENT UTILISÉ EN FRANCE ET LA SOUFFRANCE
DE L'ANIMAL
Les modes d'abattage couramment utilisés en France (autres que la shehita)
et préconisés par la réglementation impliquent un étourdissement de l'animal
avant l'incision. Les réglementations française et européenne autorisent plusieurs
modes d'étourdissement des bovins :
- L'étourdissement des bovins au pistolet à tige perforante consiste à détruire
mécaniquement les cellules nerveuses des centres de la sensibilité à l'aide
d'une tige métallique enfoncée dans le cerveau. Or ces centres de la sensibilité
sont profondément à l'intérieur de la boîte crânienne, entre les hémisphères
cérébraux, alors que les centres moteurs sont situés en surface. La réussite
de l'opération dépend du point d'impact, de l'angle utilisé et donc de la dextérité
du technicien effectuant cette tâche. En raison des cadences d'abattage à la
chaîne, on comprendra que cette technique est loin d'être aisée, et que les
échecs sont fréquents. Si par accident seul le cortex moteur est détruit, il
y aura paralysie sans insensibilisation, c'est à dire que l'animal percevra
tout, souffrira, sera conscient, mais ne pourra pas bouger.
Pour éviter les contractions de l'animal -contractions en général d'origine
réflexe, dangereuses pour le personnel, on enfonce ensuite un "jonc" (aiguille)
dans le canal rachidien, pour détruire les centres nerveux.
- L'étourdissement des bovins au pistolet à masselotte consiste à percuter la
boîte crânienne pour provoquer une onde de choc, devant théoriquement provoquer
une insensibilisation. Cette pratique est pratiquement abandonnée aujourd'hui.
- L'électroanesthésie, surtout utilisée pour les moutons, consiste en la réalisation
d'une "analgésie" par application d'un fort courant électrique à l'animal. Cette
opération est pratiquée manuellement. Si le temps d'application du courant est
insuffisant, il crée au contraire une souffrance chez l'animal. Un autre risque
est celui de la curarisation par l'électricité, l'animal pouvant alors apparaître
inconscient alors qu'il ne l'est pas. Ce mode d'étourdissement provoque un stress
important chez l'animal, qui se traduit par un éclatement important des vaisseaux
sanguins. Ce procédé est souvent évité avec des animaux à viande blanche, car
les tâches de sang dues à cet éclatement des vaisseaux sont visibles même après
cuisson, ce qui est peu apprécié par le consommateur.
- Pour tenter d'améliorer l'insensibilisation, des procédés de gazage des animaux
sont parfois utilisés. Les porcs sont parfois insensibilisés par un coup de
massue ou de pioche pour défoncer la boîte crânienne.
Après étourdissement, on suspend immédiatement l'animal par une patte arrière,
et on pratique l'incision du cou. Le saignement de l'animal est alors plus lent
que lors de la shehita.
Pour ces modes d'étourdissement, la perte de conscience n'est donc pas clairement
établie. En effet, paralysie et perte de conscience ne vont pas de pair.
Vu les cadences des abattoirs modernes, l'incision peut être aussi pratiquée
aussi rapidement que dans la shehita. Mais il faut noter que lorsque que l'animal
paraît insensibilisé à la douleur, les techniciens ne craignent plus de lui
faire mal, et prennent moins de précautions : la section est alors moins précise
et rigoureuse que pour la shehita .
Enfin, rien n'indique que la décharge électrique et le coup de pistolet ne soient
par eux-mêmes douloureux, et ressentis au moins pendant le délai nécessaire
à l'étourdissement. A ce sujet, le Professeur Ruckebusch (Chaire de Physiologie
à l'Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse) signale que la teneur en glucose
du sang prélevé lors de la saignée est plus élevée lors d'une saignée après
étourdissement de l'animal au pistolet qu'au cours de la shehita. Cette hyperglycémie
traduit la forte sollicitation du système sympathico-surrénal par le traumatisme
crânien et le stress de l'animal.
Ces considérations amenaient le Professeur Ruckebusch à écrire en 1977 que "sur
la base de critères neurovégétatifs, il est intéressant de constater que les
procédés les plus courants d'abattage ne sont pas nécessairement les plus inoffensifs
pour l'animal".
8)
LA SHEHITA ET L'HYGIENE DE LA VIANDE
Le sang est un milieu de prolifération microbienne et une source d'altération
micro biologique de la viande. Aussi, après tout abattage, il faut saigner l'animal
pour réduire au maximum les risques de contamination et de prolifération microbiennes,
notion essentielle en hygiène et qualité des viandes.
Or, le Professeur Thieulin fait remarquer que la saignée lors d'abattage avec
étourdissement est moins rapide et moins complète que lors de la shehita (Thieulin)
Une étude comparative entre l'abattage avec étourdissement au pistolet à tige
perforante et la shehita a été menée à l'abattoir de Dublin, en mesurant la
quantité de sang restant dans le muscle. Les résultats montrent que la saignée
lors de la shehita est bien supérieure à la saignée avec étourdissement préalable
(Radan 19xx) ou renvoyer à une thèse où cette étude serait citée.
De plus, la section du cordon vago-sympathique (nerf vague ou X) entraîne une
accélération de la fréquence cardiaque, et donc une évacuation du sang plus
rapide et plus complète (Levinger 1979, Pargamin 1980). Le taux de saignement
maximum est ainsi obtenu, en accord avec les prescriptions religieuses concernant
à la fois le déroulement de la shehita et l'interdiction de la consommation
de sang.
Pendant plus de 5 minutes après la shehita, les contractions cardiaques se poursuivent.
Il ne s'agit que de mouvements réflexes, qui ont lieu lors de la shehita comme
lors des autres modes d'abattage, pendant les 30 minutes suivant l'incision.
D'après les spécialistes de l'hygiène de la viande, la persistance de la respiration
améliore la saignée lors de la shehita.
Ces aspects hygiéniques résultant de la shehita doivent être considérés uniquement
comme un avantage supplémentaire, l'essentiel étant de réduire la souffrance
de l'animal. Bien entendu, pour le Juif croyant, ce n'est pas le simple fait
du hasard.
9) CONCLUSION
La shehita est parfois associée à l'image d'un procédé barbare, voire d'un
acte gratuit, faisant souffrir les animaux au nom d'un fanatisme religieux.
La Suisse et la Suède ont même interdit l'abattage rituel. Cette image provient
d'une méconnaissance totale des principes et des implications de la shehita,
qui sont à l'opposé de ces accusations.
Les mesures effectuées par de très nombreux Professeurs de Physiologie animale
de différents pays arrivent toutes à la conclusion qu'il y a absence de signes
de souffrance lors de la shehita, du fait d'une perte de conscience quasi immédiate.
D'après certains auteurs, la shehita serait même le meilleur procédé, les techniques
d'étourdissement généralement utilisées pouvant être très traumatisantes. Toute
controverse quant à la violence de la saignée ou aux mouvements réflexes de
l'animal pouvant survenir lors de la shehita n'a aucune base scientifique.
L'homme est au sommet de la Création, car il est par essence supérieur aux autres
créatures. C'est sa supériorité qui lui permet, par son aptitude à penser, de
limiter au maximum la souffrance des animaux. Pour les Juifs, si ses besoins
physiologiques amènent l'homme à consommer de la viande, cette consommation
est soumise à des règles très strictes, qui lui rappellent que la nature ne
lui a pas été donnée sans condition, et qu'il en est le gardien (Genèse 1, 29).
La mise à mort de l'animal ne peut se faire que par la shehita, dont la codification
précise est sous-tendue par les notions fondamentales de respect de l'animal
et de nécessité de limiter sa souffrance.
10)
Lexique
bediqua : contrôle des différents organes après l'abattage
Beth Din : tribunal rabbinique
décubitus dorsal : position sur le dos.
Derassa : pression du couteau sur le cou de l'animal, proscrite
Hagrama : glissement du couteau entraînant une erreur de localisation
Halada : perforation ou enfouissement de la pointe lors de l'incision, proscrit
Kabbala : certificat d'aptitude nécessaire pour pratiquer la shehita
Kasher : qui a été effectué conformément aux exigences rituelles.
En parlant d'espèces animales : autorisé à la consommation : ruminants dotés
de sabots fourchus (ce qui exclut porc, lapin, cheval ...), poissons à écailles
(ce qui exclut les crustacés), et une liste limitative d'espèces volantes. Pour
le judaïsme, des règles strictes constituent un rempart de la civilisation contre
la barbarie.
Kasherout : ensemble de règles entourant la préparation et la consommation de
la nourriture
Michna : loi orale
Nevéla : impropre à la consommation pour cause de vice durant l'abattage
Shehita : abattage rituel
Shehiya : interruption du mouvement d'aller-retour du couteau lors de l'incision,
proscrit
Shohet : "abatteur rituel", personne habilitée à pratiquer la shehita. Ce terme
est parfois traduit improprement par "sacrificateur". Or la notion de sacrifice
est étrangère à la shehita.
Terepha : impropre à la consommation. Un nombre d'espèces très limité est autorisé
à la consommation.
Torah : loi ; désigne plus particulièrement le Pentateuque, et au sens plus
général, l'ensemble de la loi juive.
11) BIBLIOGRAPHIE
BARSKY Hélène,1973 Techniques De Contention Dans L'abattage Rituel, Thèse
de Doctorat d'Etat Vétérinaire, Alfort
BERDUGO Victor 1973 Abattage Rituel et Viande kasher, Thèse de Doctorat d'Etat Vétérinaire, Lyon
FREY Jean, 1945 Sur le Procédé Juif d'Abattage des Animaux de Boucherie, Etude historique et critique, Thèse de Doctorat Vétérinaire, Alfort.
GUGENHEIM Michel, 1982 L'abattage rituel, une leçon d'humanité, Information Juive,
GUGENHEIM Michel, 1988 Le Respect de la Souffrance Animale, Information Juive, décembre 1988
KOGINSKY Alain, 1982 La Schehita ou l'abattage des Animaux selon la Tradition Hebraique, Thèse de Doctorat d'Etat Vétérinaire, Alfort
LEVINGER IM, 1976 Physiological and General Medical Aspects of Schehita, Michael L. and Munk E.éditeurs, Jérusalem
LEVINGER
IM, 1979 : Jewish Method of Slaughtering Animals for food and its Influence
on Blood Supply to the Brain and on Normal Functionning of the Nervous System,
Animal Regulation Studies, Michael L. and Munk E.éditeurs, Jérusalem
LUC Michel, 1983 Abattage Rituel Juif et Protection Animale, Thèse de Doctorat
d'Etat Vétérinaire, Lyon
MOUTHON G, A.MAGAT, 1976 : Hyperglycemies Observées sur des Bovins au moment
de la Saignée d'abattage, Bulletin de la Société Vét. de Médecine Comparée,
Lyon , 78, n°4, 203-206
PARGAMIN François Léon, 1980 L'Alimentation Cachère face à l'Hygiène Moderne
; Thèse de Doctorat Vétérinaire, Toulouse
RUCKEBUSCH Y, 1977 : Physiologie, Pharmacologie, Thérapeutique Animales, Paris,
Editions Maloine.
THIEULIN: encore une dernière référence qui manque, Jean Marc !(sic)
12) Reflex :
Ces
aspects hygiéniques résultant de la shehita doivent être considérés uniquement
comme un avantage supplémentaire, l'essentiel étant de réduire la souffrance
de l'animal. Bien entendu, pour les croyants / pour le Juif croyant / ce n'est
pas le simple fait du hasard.
Ceci
contredit totalement le "bienfait" prophétique de la shehita...
1*/
On voit donc que les deux phénomènes
- aspect hygiénique de la viande
- réduction de la souffrance de l'animal
vont dans le même sens...
On voit donc que les deux aspects / phénomènes
- réduction de la souffrance de l'animal
- hygiène de la viande
vont dans le même sens, et ne sont pas le fait du hasard.
2*/
L'acte de la shehita se définit par
- la volonté de réduire au maximum la souffrance de l'animal
- et l'observance de l'hygiène de la viande.
3*/
La shehita prend donc en considération
- la volonté de réduire au maximum la souffrance de l'animal
- et l'aspect hygiénique de la viande.
Ces phénomènes ne sont pas le fait du hasard.